Jeanne, 65 ans, conjointe de malade alcoolique, mère de deux garçons, médecin urgentiste,
Aujourd’hui j’ai 65 ans et mes enfants 28 ans et 39 ans.
Je n’ai aucune histoire familiale avec l’alcool pathologique. Mon mari avait une activité salariée avec ce que l’on appelle ’’un alcool social’’. A la retraite tout a basculé. Son alcoolisme professionnel s’est transformé en alcoolisme solitaire (1 bouteille de gin/jour). Nos enfants avaient entre 11 et 22 ans.
En crise, je n’ai vécu ‘’QUE’’ des insultes, aucune violence physique. Des insultes banales du quotidien contre lesquelles, il est impossible de porter plainte et qui nous détruisent au fil du temps.
Son désinvestissement familial a été total. J’ai vécu la honte, la culpabilité, le surinvestissement jusqu’à l’épuisement, dans le silence et la solitude. J’ai voulu sauver ma famille et mes enfants.
Tous les jours en rentrant à la maison, après le travail, je prenais un ½ Lexomil afin d’être certaine de pouvoir supporter le retour à la maison.
`
Pendant 20 ans de ma vie j’ai été sous anti dépresseur.
Il est important de préciser, que dans ce cercle infernal, je suis devenue maltraitante à l’égard de mon mari, les insultes et humiliations sont devenues réciproques. L’intimité de ce foyer, sans aide et sans repère, est devenue toxique.
Jusqu’au jour où j’ai craqué. Il s’en est suivi 3 semaines d’hospitalisation, avec un coût pour la société de 25000 € et un diagnostic de ‘’conflit de loyauté’’.
En sortant, j’ai dit ‘’plus jamais’’ et je suis devenue membre de CoP’MA.
Dès lors, dans le cadre de mon travail, j’ai posé un regard différent sur l’entourage des malades alcooliques et j’ai compris que j’étais loin d’être la seule à vivre une telle situation.
Aujourd’hui, je porte la double peine. Celle d’avoir vécu avec un malade alcoolique et celle de vivre actuellement avec un malade qui est en perte d’autonomie atteint de TCSLA (troubles cognitifs sévères liés à l’alcool).
Mes garçons se sont construits avec des failles mais parlent très peu de l’alcoolisme de leur père. Ils l’accompagnent avec les troubles qu’il présente aujourd’hui. Je fais le maximum afin que ce soit plus léger pour eux dans leur vie de jeunes adultes. Clairement, je joue un rôle d’aidant.